Collectif des Sans-Papiers du 92
Solidarité

Interview du Collectif des Sans-Papiers du 92

Nous sommes allés à la rencontre de Saddok Guitoun, le Président de l’Association « CSP 92 », le Collectif des sans-papiers du 92 (Hauts-de-Seine) : né au mois de novembre 1996, il a vu passer et accueilli des milliers de personnes sans-papiers, la majorité a été régularisée, d’autres sont retournées chez eux, quelques personnes ont quittées ce monde. Le Collectif des Sans-Papiers du 92 (CSP92) a permis à des milliers de personnes de s’exprimer, de trouver le chemin de l’espoir et leur voie dans ce lieu qui leur appartient.

Je veux dire aux personnes sans-papiers de ne pas se décourager, de continuer à lutter chaque jour et que la victoire est au bout du chemin !

Saddok Guitoun, Président du Collectif des Sans-Papiers du 92 (CSP92)

 

Comment est né le Collectif des Sans-Papiers du 92 (CSP92) ?

Saddok Guitoun :

Le Collectif des Sans-Papiers du 92 (CSP92) a été créé suite à l’appel de la Coordination nationale en 1996. A cette époque, on les appelait les clandestins et nous avons réussi à faire changer peu à peu les mentalités.

L’immigration apporte beaucoup à la France, notamment d’un point de vue économique. Il y avait un besoin de main d’œuvre très fort et les sans-papiers participaient activement au développement de la France.

Pourquoi les laisser dans cette situation de non-droit ? Pourquoi les laisser à la merci d’un patronat indélicat ? Pourquoi ne les utiliser en politique qu’à des fins électorales ?

La situation en France est très contradictoire. On sait bien que certaines entreprises utilisent les personnes sans-papiers pour baisser leurs charges et ne sont pas inquiétées. Et lorsqu’une personne demande à être déclarée, à obtenir des fiches de paie, elle est souvent remerciée sans ménagement. C’est ce que j’appelle personnellement les patrons indélicats.

La circulaire Valls du 28 novembre 2012 (PDF) permet aux patrons de déclarer les personnes sans-papiers et même de faire un rattrapage des 3 mois précédents.

Et il ne faut pas oublier certains hôtels et les marchands de sommeil qui profitent largement de la situations des sans-papiers.

D’un point de vue personnel, j’ai été interpellé par un membre de ma famille qui travaillait chez Renault depuis toujours et qui avait ramené sa femme et ses enfants en France. Quand il a demandé à faire un regroupement familial sur place, il a reçu un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

Moi qui avait servi mon pays, la France, dans la marine, je découvre alors que l’administration française n’était pas celle que j’imaginais. Nous nous sommes battus pour qu’il puisse rester en France avec sa famille. Nous avons réussi après deux années de lutte acharnée.

Mais cette France n’était pas la France des valeurs et des principes auxquels je croyais. Pour moi, la France, c’était le pays qui rassure, qui réconforte, qui prend ses responsabilités et pas un pays qui met les personnes dans une zone de non-droit. D’autant plus que la France est l’un des premiers signataires de la Convention de Genève.

[Ndlr : Selon l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides), la Convention de Genève relative au statut des réfugiés est un texte de droit international qui définit à la fois ce qu’est un réfugié, quels sont ses droits et enfin quelles sont les obligations des Etats signataires à son égard.]

 

Quelle est la situation des sans-papiers actuellement ?

Collectif des sans-papiers du 92

Saddok Guitoun :

Aujourd’hui, je me rends compte que le travail n’est pas du tout fait et que c’est de plus en plus compliqué.

Depuis 1996, j’ai vu de nombreux gouvernements se succéder et honnêtement ils sont tous pareils. Il n’y a pas eu de véritable loi qui permettrait d’avoir un accueil plus digne de cette population.

Tout se joue sur le terrain avec un rapport de force entre les mouvements organisés pour demander la régularisation des personnes sans-papiers et les politiques qui laissent les situations s’empirer.

J’ai personnellement négocié avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande… et ils ont tous le même procédé : essayer de calmer les choses en donnant quelques régularisations. Quelques régularisation en échange de la fin des rassemblements et du retour au calme. Et quelques temps après, on revient et on refait la même chose. La moindre régularisation est une victoire, on prend ce qu’on nous donne.

Dans le mouvement des sans-papiers, il y a des centaines d’associations qui luttent pour que les politiques agissent mais qui, de l’autre côté, dépendent des subventions du gouvernement.

C’est un combat de tous les jours. Dans les locaux du Collectif des Sans-Papiers du 92 (CSP92), nous accueillons entre 15 et 20 personnes par jour. Les personnes sans-papiers viennent s’inscrire, déposer leur dossier et surtout avoir des informations et des conseils. Cela coûte très cher de demander à être régularisé : au moins 250€ pour une consultation d’avocat, entre 1.000 et 1.500€ pour déposer le dossier. L’administration demande des sommes faramineuses. Et l’entreprise aussi doit payer plusieurs centaines d’euros pour délivrer une autorisation de travail.

De plus, il est impossible de savoir si un dossier va être validé ou non. Certains dossiers très solides ne passent pas. Il y a aussi des quotas qui ne sont pas communiqués.

 

Quel est votre regard sur l’évacuation du camp de migrants place de la République ?

[Ndlr : Près de 500 migrants, installés lundi 23 novembre 2020 place de la République à Paris, ont été évacués lors d’une opération musclée.]

Collectif des sans-papiers du 92

Saddok Guitoun :

Le Collectif des Sans-Papiers du 92 (CSP92) ne fait pas d’action de ce type car nous nous concentrons sur les opérations qui ont pour but de rencontrer directement le gouvernement. Il faut choisir des endroits symboliques comme devant le Palais de L’Élysée pour pouvoir imposer la rencontre.

Les occupations sauvages et les marches sont très éprouvantes pour les personnes sans-papiers. Nous souhaitons des actions fortes d’occupation, de rassemblements devant le ministère de l’Intérieur, devant l’Assemblée nationale, devant l’Elysée… là où le gouvernement est installé.

Les médias jouent aussi un rôle essentiel et se déplacent pour des mouvements forts qui font la différence. En 2006, nous avions occupés la Mosquée de Parie et l’Eglise de la Madeline jusqu’à ce que le ministre de l’Intérieur lui-même se déplace.

 

Quelles sont les prochaines actions du Collectif des Sans-Papiers du 92 (CSP92) ?

Saddok Guitoun :

Nous avons mis en pause toutes les actions d’occupation et de rassemblement depuis le premier confinement. Nous ne voulons en aucun cas mettre en danger les gens.

Quand la situation sanitaire sera réglée, nous allons choisir un endroit symbolique et l’occuper pour essayer d’obtenir des régularisations. L’immigration est une chance pour la France. Elle participe au développement de notre pays. Les papiers on va les chercher, on n’attend pas qu’on nous les donne.

Je veux dire aux personnes sans-papiers de ne pas se décourager, de continuer à lutter chaque jour et que la victoire est au bout du chemin !

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