Agence du Don en Nature : Interview

Romain Canler a rejoint l’Agence du Don en Nature (ADN) en septembre 2020 en tant que Directeur Général pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion.

600 millions d’euros de produits non-alimentaires détruits par an

Romain Canler, Directeur Général de l’Agence du Don en Nature

L’Agence du Don est Nature est née d’un constat simple : chaque année 600 millions d’euros de produits non-alimentaires sont détruits et il y a actuellement 10 millions de pauvres en France. C’est 10% de la population française qui est en situation de précarité ou d’exclusion.

En 2008, Jacques-Etienne de T’Serclaes mobilise autour de lui un premier réseau d’entreprises comme l’Oréal, Seb, Leyton et des moyens financiers significatifs pour créer le projet. Ce père fondateur a l’idée assez simple de collecter les produits invendus non-alimentaires pour les redistribuer aux associations qui sont déjà au contact des populations très précaires.

L’Agence du Don en Nature a réussi à pérenniser son modèle avec :

• 35 millions de dons en nature
• 1.000 associations accompagnées
• Au moins 1 million de personnes qui bénéficient d’un don chaque année
• 200 entreprises fédérées chaque année

Des dons qui servent à ceux qui en ont besoin

Chaque association est validée par l’Agence du Don en Nature. La plupart du temps les associations contactent l’Agence sur Internet ou sont redirigées par des ambassadrices et ambassadeurs locaux. L’Agence du Don en Nature s’assure que les produits sont bien distribués aux bénéficiaires visés.

Les associations s’engagent notamment à ne pas revendre les produits, à ne pas les mettre sur un second marché, à réaliser leur mission sociale et à distribuer ces produits directement aux bénéficiaires.

Une convention de partenariats qui reprend ces engagements est signée entre les deux parties et l’Agence du Don en Nature effectue des visites de contrôle.

Pour bénéficier des produits et devenir partenaire, il convient de remplir 3 critères :

• L’association aide des personnes en situation de précarité matérielle
• La structure existe depuis 1 an et a des comptes établis
• L’association accompagne au moins 100 personnes par an.

L’Agence du Don en Nature peut à la demande des pouvoirs publics, faire des opérations ponctuelles. Par exemple, en novembre l’Agence a fourni, à la demande de la Région Île-de-France, des kits d’hygiène féminine a une petite association de maraudes qui venait de se créer à Ivry-sur-Seine.

L’Agence du Don en Nature travaille avec des associations dans le social de toutes les tailles, aussi bien nationales que très locales, avec des épiceries solidaires, des épiceries étudiantes, des centres d’hébergement d’urgence, des accueils de jour…

Tous les dons des entreprises sont utiles

Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Pratiquement tous les produits répondent aux besoins des personnes en situation de précarité.

L’Agence du Don en Nature recherche des produits invendus neufs et non défectueux : hygiène, vestimentaire, jouets, culturel, high-tech, équipements de la maison… Elle a sa propre plateforme pour recevoir les dons.

300 entreprises ont fait des dons depuis la création de l’Agence et environ 180 entreprises sont partenaires chaque année.

Les entreprises peuvent faire des dons matériels mais aussi des dons financiers (30 à 50 entreprises chaque année). Certaines entreprises font les deux comme l’Oréal. Certains dons sont directement faits pour un projet comme celui de Carrefour pour aider à monter l’entrepôt et celui de Michelin pour permettre des livraisons gratuites aux associations.

Et il y a aussi le don de mécénat d’entreprise avec des consultants externes qui viennent et qui apportent des compétences précieuses. C’est une partie qui se développe beaucoup et les collaborateurs sont très friands de ces missions. Il y a, par exemple, un service juridique qui aide à concevoir les conventions et un des leaders mondiaux de l’équipement en système d’information qui apporte son expertise pour la logistique.

Le mécénat de compétences est une démarche aussi intéressante pour l’entreprise, en termes de mobilisation des collaboratrices et des collaborateurs, que pour l’Agence du Don en Nature qui bénéficie d’expertises qu’elle n’a pas les moyens d’avoir.

Agence du Don en Nature : les futurs projets

Romain Canler

Les ateliers sont des formats qui se développent de plus en plus avec, par exemple, la lutte contre la précarité menstruelle en ce début d’année et des actions de sensibilisation au printemps. Il s’agit d’ateliers de sensibilisation aux enjeux à la précarité menstruelle très pédagogiques, soit pour des populations féminines assez jeune, soit pour des populations féminines en situation de très grande précarité. C’est le prolongement des distributions de produits. Il y a déjà des ateliers socio-esthétiques et il y aura des ateliers socio-coiffure.

En parallèle, il y a un grand projet de refonte en cours avec une nouvelle interface plus intuitive et plus performante. Pour les associations, il s’agit d’aller plus loin dans la proposition des dons mais aussi de nouveaux services d’accompagnement, d’audit et de conseil. Assez régulièrement, l’Agence du Don en Nature travaille avec des associations qui peinent à s’organiser pour redistribuer les dons et qui pourraient absorber plus avec une meilleure organisation. Grâce à ses bénévoles, l’Agence peut les accompagner dans certains domaines, notamment dans la logistique. Les entreprises qui donnent, elles, seront mieux informées de l’impact de leurs dons.

L’Agence du Don en Nature a aussi pour ambition d’accueillir et de former plus de personnes sur sa plateforme logistique. C’est une plateforme à la pointe de la technologie grâce aux entreprises partenaires et donc une opportunité incroyable pour ceux qui y sont formés. Aujourd’hui c’est 10-12 personnes employées sur la plateforme et l’objectif est d’aller plus loin. La plateforme veut accueillir des promotions plus mixtes avec des personnes en réorientation professionnelle, des personnes issues des quartiers prioritaires, des seniors, des migrants, des personnes en situation d’handicap… Tous ceux qui peuvent avoir un frein à l’emploi.

L’entrepôt est au summum des équipements techniques de pointe car l’Agence du Don en Nature a la chance de bénéficier des produits, de l’accompagnement et des compétences de leaders de la logistique en Europe qui sont des entreprises françaises. Les collaborateurs sont donc formés aux derniers technologies et manipulent les derniers outils logistiques ce qui assure leur employabilité.

L’Agence du Don en Nature recherche aussi plus de bénévoles sur tout le territoire français notamment des ambassadrices et des ambassadeurs qui seront chargés de la relation avec les associations et les entreprises locales.

L’opportunité de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire

Romain Canler

Afin de lutter contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire, le Gouvernement vient de voter l’interdiction d’éliminer des invendus non-alimentaires.

Site du Gouvernement : « La loi met fin à l’élimination des invendus non alimentaires. Cette mesure, qui est une première mondiale, vise à encourager le don en faveur des associations de lutte contre la précarité et des structures de l’économie sociale et solidaire. À défaut, le recyclage est encouragé. Les industriels devront ainsi mieux gérer leurs stocks afin d’éviter le surplus de production. La mesure entrera en vigueur au plus tard le 31 décembre 2021 pour les produits couverts par un régime REP (responsabilité élargie du producteur) et au plus tard le 31 décembre 2023 pour les autres produits. »

C’est un enjeu important pour l’Agence du Don en Nature qui va être amenée à travailler avec des entreprises qui jusqu’à présent ne donnaient pas. Mais l’Agence va aussi devoir composer avec plus d’acteurs. Des acteurs comme les éco-organismes qui gèrent des filières de collecte et de traitement des déchets, qui vont probablement vouloir participer. De nouvelles entreprises pourraient aussi voir le jour et sous couvert de solidarité faire juste du business de seconde main.

« Nous ne sommes pas obligés de vivre dans une société avec des pauvres »

Romain Canler

La pauvreté n’est pas une fatalité et nous ne sommes pas obligés de vivre dans une société avec des pauvres. Il faut comprendre que ce n’est pas la faute de ces personnes en situation de précarité et d’exclusion. C’est un mécanisme beaucoup plus complexe qui touche une partie de la population, même si les personnes travaillent, même si aucun drame n’est survenu.

La pauvreté est juste très courante et donner de son temps, donner de son argent est une manière pour nous de recréer du lien, de refaire société ensemble. C’est le sens même de la communauté.

La précarité revêt des visages très différents et c’est le résultat d’une complexité sociale et de nombreux facteurs exogènes.

Nous devons retrouver cette culture du don, donner du temps, donner de l’argent, donner des produits… peu importe, ce qui est vraiment important c’est le fait de donner. Il faut être ouvert d’esprit et ne pas juger. Le don est un acte social avant d’être un acte économique.

Le don n’est pas acte de charité mais acte de société.
Romain Canler

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’Agence du Don en Nature.